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Lettre de Mary Agnew, épouse d’Edward Styffe

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Eddie & Mary 1943

«Eddie, comme l’appelaient ses amis, est né en 1917 à Port-Arthur, aujourd’hui Thunder Bay, dans l’Ontario. Son père, d’origine norvégienne, avait émigré vers 1880-1890 au Canada et monté une exploitation forestière [abattage et transport de grumes par flottage] à Port-Arthur où Eddie a passé son enfance et sa jeunesse.

Après avoir travaillé avec son père et passé une année à l’université de Queen, il s’est porté volontaire dès 1940 pour rejoindre l’armée canadienne dans le Régiment du Lac Supérieur : une unité motorisée de la 4e Division canadienne. Eddie a passé trois mois en Afrique du Nord (Tunisie) avec l’armée anglaise puis il a rejoint son unité en Angleterre.

Son régiment était basé dans le sud de l’Angleterre, près de l’hôpital général de la 13e armée canadienne où j’étais assistante-infirmière. Nous nous sommes rencontrés, nous sommes tombés amoureux et mariés en avril 1944.

Maintenant je vais vous parler d’Eddie tel que je l’ai connu : il commandait la compagnie C (une centaine de soldats). Beaucoup de ces hommes venaient de sa ville natale et de ses environs. Il avait un grand sens de ses responsabilités et il se souciait de leur bien-être. Il espérait qu’il serait capable de les mener au combat, le moment venu, et surtout avec le minimum de pertes. On disait qu’il était très estimé de ses hommes, qu’il y avait entre eux une confiance et un respect mutuels. Connaissant son caractère, je pense que c’est vrai.

Je parlerai aussi d’un autre aspect de sa personnalité, plus léger. Il était plein de vie, il avait l’esprit vif et un grand sens de l’humour. Il mettait de l’ambiance dans les assemblées: il aimait la musique (il jouait de la mandoline et du ukulélé). Pendant nos moments de liberté, on chantait tous ensemble autour d’un piano. (…)

Il est parti pour la France le 27 juillet 1944. Il m’a écrit une dernière lettre que j’ai gardée : «Nous sommes sur le point de partir pour une bataille très importante, elle pourrait permettre de terminer la guerre rapidement. Ma compagnie fera partie des éléments leaders de la division. Je n’ai pas peur, ma douce, en fait j’ai confiance en notre victoire. J’ai vu mes soldats dans l’action et je ne pourrais exiger de meilleurs hommes. Quoi qu’il m’arrive personnellement, je suis content que la guerre atteigne une phase décisive et je suis fier de participer à l’effort final».

Il espérait que cette victoire allait nous donner un monde où nous pourrions vivre en sécurité et heureux.

Il me disait aussi que nos trois mois de mariage lui avaient donné du bonheur pour une vie toute entière. C’est bon de le savoir.

Tous les soldats, quelle que soit leur nationalité, partent au combat en connaissant la peur que leur jeune vie puisse se terminer. Cependant ils persistent et continuent… Que Dieu les bénisse ! (…)

Je suis très sensible à votre intention de donner le nom d’un soldat canadien à votre rue. Je sais qu’Eddie vous en serait reconnaissant. Il a été décoré à titre posthume pour bons et loyaux services.

J’espère que cette lettre vous permettra d’imaginer sa personne au-delà de son nom. Il était intelligent, honnête et digne. Je pourrais ajouter aussi modeste.

Sa philosophie personnelle se résumait à une citation de Shakespeare : «Sois vrai avec toi-même et alors, comme la nuit vient après le jour, tu seras vrai envers les autres.»

J’ai essayé d’être objective : je pense encore qu’il était plein de sagesse pour ses 27 ans.

Sincèrement vôtre, Mary Agnew »

 

Pour conclure ce rappel historique, nous tenons à exprimer notre reconnaissance à Marcel Levernieux qui nous a quittés en 2007. Il nous a donné l’occasion de rendre hommage à un homme qui sinon serait resté inconnu et le plaisir d’entamer de nouvelles relations amicales.

Toutes ces rencontres  ont tissé des liens entre les Canadiens et les habitants de la commune : Ingrid Blanchet, Elizabeth et Edward Styffe ainsi que Dick et Marilyn Spooner et Jim et Sirkka Aldridge sont revenus nous rendre visite.

Le 8 mai 2011, John et Verena Styffe ainsi que leurs enfants Erik et Abbie viendront à Maizières commémorer la fin de la 2e Guerre Mondiale en Europe et se souvenir de leur oncle Eddie.

Comme le disait Mary, dans sa lettre du 10 octobre 2001 aux habitants de la commune pour les remercier de leur chaleureux accueil : «En voyant tout le long de la rue Styffe les plaques qui portent son nom, je me suis sentie heureuse de savoir qu’ici il revit. Il participe à la vie de Maizières. On se souviendra toujours de lui et à travers lui de ses compagnons qui eux aussi sont tombés en Normandie.»

Lettre de Mary Agnew, épouse d’Edward Styffe, reçue le 17 décembre 2000

Comité Major Styffe

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